La carte et le territoire


  La carte et le territoire

Difficile de ne pas penser au passionnant livre de Houellebecq quand on écrit un petit post sur la carte et le territoire.

 

Ce titre fait référence à la nécessaire distinction entre :
– d’un côté la représentation de la réalité : la carte
– de l’autre la réalité : le territoire.

Et nous avons tendance à prendre pour la réalité ce qui n’est qu’une construction résultant de nos échanges avec les autres et de nos propres représentations.
Et cette carte, sous son apparente objectivité, est avant tout le produit d’une norme sociale.
La carte se définit alors comme la “réalité de la réalité » pour reprendre un fondamental de l’Ecole de Palo Alto. Elle finit par devenir le territoire lui-même que nous n’avons plus besoin d’explorer pour le « connaître ».
Michel Foucault, ne disait pas autre chose en affirmant que le soi n’est que l’expression d’une norme sociale et il nous invitait à prendre de la distance avec ce que nous considérons comme notre identité profonde et la façon dont nous la construisons. En posant le principe qu’il n’y a pas de distinction entre intérieur et extérieur, entre le “être soi” et “être en relation avec l’autre », il faut donc, non pas se centrer sur ce que l’on pense être ou vouloir, mais s’ouvrir au monde qui nous entoure dans un dialogue exigeant et permanent.
Les neurosciences nous éclairent un peu plus sur cette reconstruction de la réalité. Elles nous expliquent comment notre cerveau se débrouille avec cette satanée réalité qui s’avère bien trop complexe pour lui. D’abord parce qu’il faut traiter et comprendre les informations envoyées par nos 5 sens (vue, odorat, toucher, ouïe et goût) dont, charitablement, nous écrirons qu’ils sont loin d’être parfaits. Ensuite parce notre cerveau a tellement de faits à traiter qu’il passe son temps à essayer de mettre un peu d’ordre dans tout ce bazar mais sans y consacrer trop d’énergie. Il va donc d’abord éliminer les informations inutiles, ensuite recomposer celles qui lui manquent et enfin tenter, tant bien que mal, de prendre en compte le contexte dans lesquelles elles sont produites. L’objectif est ambitieux : stabiliser l’ambiguïté, c’est-à-dire bâtir un récit cohérent avec les faits, réels ou reconstitués, en sa possession.

Bref, on le comprend, la carte est incomplète, fausse et pleine de chausse-trappes. Nous avons naturellement tendance à vouloir que le territoire lui ressemble et nous mettons beaucoup d’énergie à travailler à cette mise en cohérence.

Dans ce monde que l’on appelle communément VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity) j’ai la conviction que nous avons de plus en plus besoin d’être entourés de ceux qui n’ont pas peur de découvrir le terrain au fur à mesure de leur progression. Voire même qui ont plaisir à en explorer les chemins non balisés et en accueillir les surprises bonnes ou moins bonnes.

Valorisons un peu plus les explorateurs et prenons nos distances avec ceux qui dressent sans cesse des cartes mettant entre nous et le plaisir du réel un écran de rationalité apparente source de stress, de désillusion et de mensonges.

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