Le bug humain


 LE BUG HUMAIN

Quand j’accompagne des équipes mais plus encore les individus, la question de la prise de hauteur et de distance est souvent centrale. Il faut, à un moment ou à un autre, savoir s’extraire du quotidien pour être en mesure de prendre les bonnes décisions. Et pour se projeter dans l’avenir. Malheureusement, c’est loin d’être évident. Alors je me pose souvent cette question : pourquoi sommes-nous si accro à l’instantanéité ?
Les neurosciences nous donnent de précieuses clés de compréhension.
Sébastien Bohler dans son génial ouvrage Le Bug humain met en évidence notre soumission au striatum, sorte de dictateur préhistorique localisé au cœur de notre cerveau. Ce dernier a cinq obsessions qui guident son action : se nourrir, se reproduire, se comparer socialement, s’informer et en faire le moins possible. Et il a un truc imparable : quand une action correspond à une de ses cinq préoccupations, hop ! Il déclenche une bonne décharge de dopamine. Inutile de préciser que nous sommes totalement accroc à ces « bouffées d’euphorie ». Il cite une expérience sur des rats de laboratoire qui peuvent actionner cette décharge de dopamine en appuyant sur une pédale. Quand ils comprennent le truc, ils appuient dessus jusqu’à deux cents fois par heure et ils en oublient même de manger et de boire tant le plaisir procuré est incomparable.
Intéressant aussi à savoir : la force de la décharge est d’autant plus grande que le délai entre désir et réalisation est court.
Notre striatum est donc plongé dans le présent ou, accordons lui cela, le futur immédiat. Il préférera toujours une action satisfaisante aujourd’hui à une perspective plus alléchante demain. Le temps court c’est son domaine ; le temps long ne l’intéresse pas. Une sorte d’enfant hyper capricieux qui nous a tout de même permis, ainsi qu’aux mammifères qui nous entourent, d’être de formidables machines à survivre individuellement et collectivement.
Pour le striatum, l’attente est perçue comme une souffrance que la perspective d’une récompense trop lointaine ne parvient pas à apaiser. C’est le nœud du problème et l’explication de notre découragement face à la lenteur et au futur.
Pour retrouver du plaisir à s’inscrire dans des temps plus longs, il faut urgemment nous désintoxiquer de ce qu’Elena Pasquinelli nomme joliment les « gâteaux pour le cerveau » autrement dit les décharges de dopamine.

Alors, prêts pour le sevrage ?

 

  • Sébastien Bohler, Le Bug humain, Pocket, 2020
  • Elena Pasquinelli, Mon cerveau, ce héros – mythes et réalité,2015

 

Partagez Share on LinkedInShare on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterEmail this to someone

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *